Guatavita : La Leyenda de El Dorado
- Diane Remy
- 11 nov. 2018
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 nov. 2018
Ce week-end, direction la Laguna de Guatavita, à l’origine de la légende de El Dorado. Situé à quelques heures de Bogotá, ce haut lieu chargé d’histoire fût à l’origine du déplacement de la capitale colombienne de Cartagena (sur la Côté caraïbe) à Bogotá. En effet les colons, attirés par cette légende, ont accouru dans cette région montagneuse avec l'objectif de dérober les tonnes d’or possiblement entassées au fond d’une lagune, conséquence d'une tradition se déroulant tous les neuf ans et ayant existé durant plus de mille ans : l’élection du cacique -ou chef des Muiscas.

Dans la tradition muisca, le neveu aîné du cacique en fonction devait devenir le prochain dirigeant du cacicazgo – ou peuple. Depuis qu’il est enfant, il doit se préparer à assumer une telle tâche. Ainsi, à l’âge de ses 14 ans, le jeune homme était conduit dans une caverne afin de passer neuf ans de réclusion sans entrer en contact avec l’homme ou voir la lumière du jour. Il ne pouvait sortir que la nuit, pouvant alors admirer la lune et les étoiles. Il n'était pas non plus autorisé à manger de sel, de viande ou de piment.
A la fin de ces neuf ans de préparation, l'élu devait prouver son renforcement et se montrer en parfaite maîtrise de son corps et de son esprit. Pour ce faire, il était placé au centre des plus belles filles de la tribu, dénudées, dansant autour de lui et le caressant. Afin de réussir, il ne devait montrer aucun intérêt physique ou mental. En cas d'échec, on lui coupait le plus important pour lui : ses cheveux. Pour les Indigènes, ceux-ci représentent la sagesse et permettent de puiser l'énergie environnante, telles les racines d’un arbre.

La cérémonie principale, à l’origine de la légende del Dorado, se réalisait au lever du soleil. Le futur cacique était alors transformé en Hombre dorado : couvert d’or, de miel et d’émeraudes, et de six à huit kilos de poudre d’or (semences solaires). Muni d’une couronne, cet homme doré était emmené dans une barque couverte d’or au centre de la lagune sacrée. Il recevait alors les premiers rayons du jour et se transformait lui-même en soleil, recevant toute son énergie (masculine). Toutes les offrandes étaient jetées dans le lac et, alors, l’élu pouvait se plonger dans l’eau (énergie féminine, lieu de fécondation), afin de disperser les semences solaires et d’y puiser son futur pouvoir. La dernière épreuve était celle de se nettoyer intégralement sans se noyer dans une eau à huit degrés, les Indigènes n’ayant pas appris à nager. S'il échouait, il était remplacé par le second neveu aîné. Une fois sa mission accomplie, il levait les bras afin d'être ressorti de l'eau et couvert d’une peau de bête. Le prêtre pouvait lancer le signal au peuple, resté silencieux : les quelques 5000 Indigènes présents se retournaient et saluaient l’arrivée de leur nouveau cacique.
Sur la rive, accueilli par la tribu, il rencontre alors sa princesse, qui a, elle, connu une préparation de six ans dans les montagnes, période plus courte car il était considéré que les filles apprenaient plus rapidement que les garçons. Cette princesse deviendrait sa femme principale, toutefois le cacique pouvait demander la permission à celle-ci d’avoir plusieurs autres femmes.

Ainsi, cette Laguna encantada, changeant de couleur avec les phases de la lune, centre d’une tradition indigène millénaire, a attiré de nombreux conquistadors de toutes les origines et locaux assoiffés d’or. En réalité, les Muiscas ne possédaient à l'origine pas d’or sur leur territoire mais du sel : cette tradition était rendue possible grâce au troc. Par conséquent, dès 1625 avec l’expédition d’Antonio Sepulveda, et jusqu’en 1900, des hommes ont essayé de dérober l’or déposé au fond du lac. Afin d’y parvenir, il fallait tout d'abord extraire l’eau de la Laguna. La première tentative, celle d'en creuser les pourtours, fût un échec. Quatre à cinq mois de travail fûrent perdus en quelques jours de pluie, la nature reprenant ses droits. Alors, ils décidèrent de casser la montagne, à l'endroit du plus haut sommet d’où tombait une splendide cascade. Malgré cette destruction majeure et une immense évacuation d’eau, les gains en or n’ont pas réussi à surpasser les dépenses engagées dans telle entreprise, car une grande quantité d’or se serait sans doute enfouie au fond du cratère, du fait des mouvements répétés de l’eau.

L’environnement de la Laguna de Guatavita est en réalité un écosystème endémique qui a été fragilisée par tant d’incursions humaines. Il s’agit d’un páramo - ou fabrique d’eau. Ceux-ci couvrent quatre à cinq pourcents du territoire mais fournissent soixante-dix pourcents de l’eau du pays. Aujourd’hui, l’eau représente une ressource plus importante que l’or et c’est pour cela que les locaux ont préféré protéger cet environnement plutôt que de poursuivre une conquête d’or dévastatrice. Malgré des efforts considérables, certains éléments de la faune et de la flore d’origine comme les ours et tigrons, s’étant enfouis dans les montagnes environnantes, n’ont pas encore refait leur apparition. Il est nécessaire de récupérer toutes les caractéristiques du Bosque altoandino afin que ceux-ci reviennent. Les bosques se situent entre 2800 et 3400 mètres, et entre 12 et 17,5 degrés ; ils sont couverts de mousses, plantes qui absorbent puis redonnent de grandes quantités d’eau, de rivières qui descendent jusque dans les zones basses. Cependant, les efforts fournis par la population, ainsi que par des visiteurs respectueux, permettent de rendre à ce lieu sa splendeur passée.

Ainsi, malgré une destruction importante du lieu lors de la colonisation, la Laguna de Guatavita demeure un endroit magique, impressionnante tant par sa beauté que par l’énergie mythique qu’elle continue de dégager.
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