Istanbul, ses mille mosquées et leurs minarets
- Elsa
- 21 nov. 2018
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 janv. 2019
Je ne m’étais jamais posée la question de la signification d’un ou plusieurs minarets dans une mosquée. En Turquie, leur nombre permet de comprendre à qui s’adresse chaque édifice, et indique le statut de la personne à l’origine de sa construction.
Dans une mosquée, un minaret est une tour depuis laquelle se fait l’appel à la prière. Lorsqu’il y a en a plusieurs, l’appel se fait généralement d'une seule. Depuis ce point surplombant la ville ou la campagne environnante, le muezzin appelle à la prière cinq fois par jour pour la Sobh (prière du matin), puis la Dhor (prière de la mi-journée), suivie de la Asr (prière de l’après-midi), de la Maghrib (prière au coucher du soleil) et pour clôturer la journée, l’Icha (prière de la nuit).
Les minarets sont de nos jours équipés d’haut-parleurs, dont le volume peut surprendre si on ne s’y attend pas, ce qui évite au muezzin de gravir les nombreuses marches d’escalier menant en haut des minarets.
L’allure des minarets varie selon la région, en ce qui concerne la Turquie, ils ont une silhouette élancée et cylindrique. C’est au XIème siècle avec l’arrivée au pouvoir des Saldjoukides, tribu nomade originaire d’Asie centrale, que l’architecture religieuse se renouvelle. Les minarets cylindriques font partis de ce nouveau souffle architectural.
Nous pouvons lire à propos de l’architecture des mosquées que « Le nombre de minarets n'est pas fixé […], à l'époque ottomane on en compte souvent quatre et même six à la mosquée Sultan Ahmed à Istanbul »*, si le nombre n'est pas fixé il n'en est pas moins sans importance.
En effet, j'ai appris au cours de mon séjour que le nombre de minaret renseigne sur la personne pour laquelle la mosquée a été construite. On peut établir l'ordre suivant :
6 minarets sont dédiés à un sultan, pour qui la construction d'une mosquée appelle à faire entrer son règne dans la postérité ;
4 à 5 pour un proche d'un sultan ou un haut dignitaire de l'islam ;
Si vous lisez qu'une mosquée est "selatin" cela signifie qu'elle possède plusieurs minarets et qu'elle est uniquement construite par les sultans ou leurs familles. Les mosquées Fatih et de Soliman le Magnifique à Istanbul sont dites selatins (pluriel de sultan).
2 à 3 pour quelqu'un d'important ;
1 minaret correspond à un quartier qui veut une mosquée pour ses habitants.
Deux mosquées d'Istanbul ont fait parler d'elles au cours de l'Histoire : la Mosquée bleue et ses six minarets, ainsi que la Mosquée de Soliman le Magnifique.
Traditionnellement, ce sont les mosquées les plus sacrées qui s’arrogent le droit de posséder six minarets. Cependant, au XVIIème siècle, le Sultan Ahmet Ier désire une mosquée à la hauteur de la Grande Mosquée de la Mecque (Al-Masjid Al-Haram). La Mosquée bleue aura donc six minarets au lieu des quatre habituels. La réaction des autorités religieuses de l’époque montre que le nombre de minarets possédés par une mosquée n’est pas dénué de toute signification. En effet, une crise religieuse éclata, seule la Mosquée de la Mecque possédait six minarets. Afin de maintenir la suprématie de celle-ci sur les autres édifices religieux de l’Empire islamique, le Sultan se vit contraint d’offrir un septième minaret à la Grande Mosquée, prix à payer pour les six de la Mosquée Sultan Ahmet Camii, aussi appelée Mosquée bleue en raison de ses 21 000 carreaux de faïence d’Iznik à fond bleu.
Quant à la Mosquée de Soliman le Magnifique, cette prouesse architecturale comporte 4 minarets symbolisant le fait que Soliman fut le quatrième sultan ottoman parti à la conquête de Constantinople.
Néanmoins, cette tradition ottomane du nombre de minaret tend à être bafouée par l'actuel président. C'est le constat qu'impose la construction - à l'initiative de ce dernier - de la plus grande mosquée jamais construite par la République de Turquie. Située sur la colline la plus élevée de la rive asiatique, la Mosquée Çamlica a été dotée de six minarets à la demande de Recep Tayyip Erdogan. Si certains voient d'un bon œil celle-ci, d'autres la critiquent : jugée démesurée, elle représente à leurs yeux la volonté du Président de marquer Istanbul de son empreinte, et in fine une démonstration de force d'Erdogan.
Un reportage d'Arte (en accès libre jusqu'au 2.02.19) offre de magnifiques images sur les joyaux de l'art islamique : https://www.arte.tv/fr/videos/048554-004-A/monuments-sacres-mosquees/
Un grand merci à Tuna et Louis.
* Nikita ELISSÉEFF, « MINARET », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 novembre 2018. URL : http://www.universalis-edu.com.lama.univ-amu.fr/encyclopedie/minaret/
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